La Villa Bourguet était une des dernières bastides aixoises dans la ville encore pourvue de sa « campagne » originelle, une parcelle de 1,1 ha aménagée en un parc arboré, composé de rocailles, de petits bois autour d’un cèdre majestueux et de quelques platanes, de vergers et d’alignements de grands cyprès et de micocouliers où il aurait fait bon se promener pour oublier un moment l’autoroute qui passe juste derrière le mur anti-bruit.
Ce domaine centenaire miraculeusement préservé des ravages de l’urbanisation jusqu’alors, était idéalement disposé pour devenir un beau parc public, et idéalement situé pour constituer le maillon utile du PNU reliant le centre-ville et le campus à la promenade de l’Arc, recousant ainsi la ville au dessus de la saignée autoroutière.
Pour les habitants, les écoliers et les étudiants surtout, c’était l’unique poumon vert du quartier des Facultés. Une canopée protectrice contre la pollution de l’autoroute et son échangeur tentaculaire, limitant l’îlot de chaleur engendré par les chaussées surabondantes dans le secteur.
À l’aune de l’été caniculaire que nous venons de vivre qui confirme l’état d’urgence climatique et rappelle chaque jour la nécessité vitale de préserver la nature et les arbres en ville en particulier, surtout lorsqu’ils constituent un écosystème durablement établi et irremplaçable, nous sommes consternés par les arbitrages qui ont conduit à la destruction de ce site arboré remarquable.
Bien en amont du projet, le CIQ a multiplié les initiatives constructives auprès des élus et des promoteurs en lice pour alerter et sensibiliser les acteurs sur l’enjeu environnemental et les attentes légitimes des habitants du quartier.
Pourtant, le permis de construire a été accordé au promoteur ICADE sans tenir compte de notre avis, et ce n’est pas faute d’avoir essayé.
En dernier ressort, le CIQ a introduit un recours amiable auprès du service de l’urbanisme à l’appui d’un dossier bien argumenté et constructif qui ne cherchait pas à empêcher la délivrance du permis mais à en maîtriser l’impact écologique.
Le CIQ a notamment objecté que la surface de plancher construite de 9.995m² se situait 5m² en dessous du seuil des 10.000m² obligeant le promoteur à réaliser une étude d’impact sur l’environnement selon la réglementation nationale. Sur le principe, et dans une démarche éthique, le CIQ a alors demandé au service de l’urbanisme que le PC ne puisse pas se soustraire à cette étude d’impact environnemental et soit conditionné et aménagé en conséquence. Nous n’avons pas été entendus par la ville qui n’a pas répondu à nos arguments et a délivré sans autres formalités un blanc seing au promoteur, suscitant incompréhension et indignation dans nos rangs et parmi les habitants du quartier.
Assurément, le parc de la villa Bourguet constituait l’habitat d’une faune abondante et diversifiée.
Du jour au lendemain, en pleine période de vacances, sans aucune préparation ni précaution pour la faune et la flore, les engins de travaux ont fait irruption dans cet endroit paisible pour le détruire en l’espace de quelques heures avec leurs tronçonneuses, leurs dessoucheuses, leurs broyeurs et leurs camions porte-grumes.
Les photos qui suivent témoignent de cet écocide qu’une étude d’impact sur l’environnement aurait minimisé.
Une telle étude aurait permis d’évaluer l’écosystème du site avant déboisement et d’imposer au promoteur des dispositions adéquates, par exemple un « calendrier écologique » fixant la période d’abattage des différentes variétés d’arbres ou de haies, l’obligation de laisser les arbres au sol plusieurs semaines pour laisser le temps à la faune résidante de migrer, et bien d’autres préconisations préservant la nature.
À nos yeux, il ne suffit pas de déplorer cette situation mais de nous indigner et de le faire savoir haut et fort afin que de telles pratiques soient bannies à l’avenir et puissent en dernier ressort être endiguées par la concertation citoyenne qui n’a pas eu lieu dans le cas présent.
Voici un état des lieux du chantier de la villa Bourguet en cette fin de mois d’août.
Nuisances
Depuis le début du mois, le chantier de la villa Bourguet a démarré. Les engins ont investi ce domaine qui nous tenait tant à cœur, avec leur cortège de nuisances. Dans un premier temps, le voisinage a dû supporter le bruit et les vibrations de brise-roche et autres machines.
Pour permettre le passage des engins, beaucoup d’arbres ont été sacrifiés.
Avec l’intervention des excavatrices, d’énormes nuages de poussière ont fait leur apparition.
Ils balayent encore aujourd’hui tout le quartier.
Malgré les plaintes directes des riverains et du CIQ, aucun dispositif n’a été mis en place. À l’heure actuelle, un seul tuyau d’arrosage asperge maigrement la noria de camions-bennes qui sortent de la zone.
Lors du recours, le service de l’urbanisme a mentionné que le cèdre serait protégé, ce qui n’est même pas le cas aujourd’hui, près de deux mois après le démarrage des travaux.
Accès au chantier
Depuis toujours, le CIQ demande à ce que l’accès au chantier se fasse par le rond-point. Ce fut le cas pendant les travaux de réfection du réseau pluvial. Désormais, les camions utilisent l’accès rue de la Fourane, l’interdiction aux véhicules >3.5t ne semblant pas les concerner.
Est-il utile de rappeler que dans une semaine, nos enfants reprendront le chemin de l’école, située à 60 mètres ?
Terrain rétrocédé à la ville
Les limites du chantier sont repoussées à quelques mètres de la voie. En effet, une bande de terrain longeant la sortie d’autoroute et l’entrée du rond-point a été rétrocédée à la ville. Elle devrait être utilisée à l’occasion de la requalification des sorties 30 et du rond-point dont le CIQ conteste formellement l’avant-projet. Là encore, table rase a été faite sur toute la végétation existante alors que le projet de requalification de l’échangeur n’a pas été soumis à concertation publique.
Bilan végétal
Un bilan végétal (plan d’abattage) avait été présenté dans le dossier du permis de construire, annonçant précisément quels sujets seraient conservés, supprimés ou transplantés.
Étonnés (stupéfaits) par le spectacle de désolation qu’offrent désormais les quelques bouquets d’arbres épargnés, nous avons consulté le plan initialement prévu.
De nombreux arbres ont été enlevés sur la parcelle publique rétrocédée.
Il s’avère que sur environ 300 arbres initialement présents, 2/3 ont été arrachés, dont 50 arbres rasés sur la parcelle publique.
La zone rétrocédée à la ville a vocation à être imperméabilisée en devenant partie intégrante d’un échangeur routier sur lequel circuleront des poids-lourds (voir notre article précédent).
Nous nous insurgeons devant l’ampleur du désastre environnemental et la méthode pour y parvenir. Nous déplorons cette situation. Le CIQ des facultés continue d’avancer en proposant des solutions et de nouvelles opportunités dont nous souhaitons débattre avec les élus et que nous présenterons dans les prochaines communications.
« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs » avait dit Jacques Chirac en ouverture de son discours devant l’assemblée plénière du 4ème sommet de la Terre*. Le CIQ des Facultés ne se résigne pas à regarder ailleurs…
* le 4 septembre 2002 à Johannesburg – citation de Jean-Paul Deléage
Votre article est remarquable, merci et merci pour tout ce que vous avez fait pour éviter le désastre que vous décrivez. Tout cela ne laisse rien présager de bon pour l’avenir de notre ville dont l image risque vite de se ternir.
Bien à vous
Bonjour,
Votre article met bien en évidence le fossé qui existe entre les belles intentions énoncées pourvues de toutes les vertus et la réalité qui frappe notre quotidien.
Cette réalité est le résultat d’un mépris total de tous les constats scientifiques et humanitaires face à la situation de dérèglement climatique dont aujourd’hui personne ne peut se détourner.
L’engagement citoyen et l’action de chacun.e importent et les projets d’urbanisation devraient être des modèles d’engagement pour le territoire.
Au lieu de cela, nous continuons d’assister à des transformations de quartiers qui donnent la part belle à des modèles révolus d’occupation de sites. Et pire, ces transformations ne tiennent même pas compte du « vivant » qui les subissent.
Et pourtant, la question est simple : quel sont les besoins de ce quartier ? en termes d’économie bien sûr , mais sans faire l’économie du « bien vivre » et du « long vivre ». Ce quartier n’avait pas à faire l’économie d’un poumon vert.
Aujourd’hui, beaucoup de nos jeunes s’engagent de plus en plus vers une vie en quête de sens et ce projet ne nous donne à voir que l’empreinte de capitaux sur 10 000m2 ! Affligeant …
Alors, que cela doit-il nous inspirer ?
Merci pour votre article édifiant qui doit être largement diffusé.
Bonjour à tous,
Un bel exemple du pourquoi les gens ne veulent plus aller voter…
Crdlt,
Michel VIDAL
Bonjour et merci pour cet article remarquable. Atterrant et désespérant. J’ai particulièrement apprécié les 9 995 m2…. Comme quoi qu’une enquête aurait pû servir à quelque chose…En tout cas ces alertes ne sont pas veines car nos autorités ne pourront pas dire, on ne savait pas…
Agnès (Fare-Sud et théâtre Vitez)
Merci pour ce compte-rendu très clair et détaillé qui nous permet d’être au courant, ainsi que pour votre action auprès des services municipaux.
Impressionné par votre travail, ecoeuré par la réalité. Je suis Aixois, né à Aix, je suis passé devant ce chantier il y a 2 jours, je n’y croyais pas! Comment déloger cette équipe municipale pour stopper ces massacres?
Bonjour,
La villa Bourguet ???
C’est d’abord une affaire de gros sous et de clientélisme !!! …
Point-barre…
Michel VIDAL
Bravo et merci pour cet article d’utilité publique. Hélas on s’aperçoit que les citoyens les plus plus sincères et les plus impliqués dans la vie de la cité pèsent très peu face aux puissances de l’argent. Surtout quand les édiles d’hier et d’aujourd’hui sont complices. En effet, le ridicule et le cynisme du service de l’urbanisme est flagrant ; mais sachez que les vrais décideurs sont les élus.
« La Villa Bourguet » anéantie!
Une CATASTROPHE… écologique et humaine! J’en suis bouleversée, moi qui suis arrivée dans le quartier en 1956…
Le fric a faire justifie tout. Leur réponse a cette destruction ? On replantera au centuple. 100 ans de perdus pour obtenir le même effet qu’avant.
Des nuls, mairie, technos , promoteurs et futurs proprios.
Qui, parmi les 55 conseillers, pourra prendre l initiative de déposer une question orale au prochain conseil municipal filmé pour demander des précisions ?
Et n’oublions pas que la transformation de ce terrain n’a pu se faire que parce que les propriétaires/héritiers l’ont cédé pour ce type de projet.
Validé certes, par l’octroi d’un permis de construire, mais la première responsabilité est privée, il me semble…
Agnès
Merci pour votre article passionnant . Je suis effondrée d’apprendre cette catastrophe écologique. Entre l’avidité des promoteurs et l’irresponsabilités des guignols de la Mairie, il nous reste les yeux , pour pleurer.
C’est une tache indélébile qui pèsera à jamais sur les élus de la majorité de cette ville et en premier lieu le maire qui a ordonné qu’une telle monstruosité soit commise au profit de quelques-uns au détriment de tous et de la mémoire de l’histoire même d’Aix. Honte à eux; ce qui a été perdu ne pourra jamais être retrouvé
Bonjour et bravo de ne pas « baisser la garde »…
Un vrai désastre, et le « pire » (Rond Point) est à venir.
Cordialement.
Bonjour,
Un procédurier trouvera forcément une faille dans ce volumineux dossier à condition d’être rapide et opiniâtre…
MV
Merci pour ce travail citoyen fort bien fait, indispensable pour l’information de la population, les pouvoirs publics n’ayant pas jugé nécessaire de fournir la moindre information ou d’organiser un débat sur cette destruction d’un espace naturel préservé dans un quartier qui en manque.
Reste encore un espoir : ne laissons pas se faire la création prévue de deux voies supplémentaires pour les automobiles autour du rond-point de la IV° région aérienne qui ne feront qu’augmenter le trafic et encore moins la suppression du trottoir piétons côté Ouest du pont sur l’autoroute alors qu’il faut développer la pratique de la marche à pied vers les commerces du Pont de l’Arc.
Mais comment peut on encore vouloir bétonner et raser la végétation dans une ville déjà trop minérale .. Densification ? mais à quel prix ? Bravo à ceux qui ont monté ce dossier .
Bonjour,
Je suis stupéfait de constater l’ingénuité des participants de cette noble assemblée quand aux attitudes des élus de la République tenus en laisse par l’omnipotence du clientélisme…
Miche VIDAL
Il me souvient qu’en son temps, Mme Maryse Joissains Masini interrogée sur la végétalisation d’Aix en Provence avait répondu que notre ville avait une vocation minérale! mais où avait-elle déniché une telle « anerie »? Quoiqu’il en soit sa fille Sophie perpétue sa réflexion.
Mais enfin, quel scandale!
Que dire? tout ceci est affligeant…
L’équipe d’administrateurs du CIQ tient à remercier tous les contributeurs qui ont réagi et laissé des commentaires à la suite de notre article. De même, nous avons grandement apprécié le relais donné à cette information par l’intermédiaire de la Fédération des CIQ du Pays d’Aix, tout particulièrement aussi les partages des CIQ Cuques St Jérôme et Pont de Béraud .
Bonjour,
Suite au roman feuilleton de la fronde (*) contre l’implantation de l’H.P.P. (Hôpital Privé de Provence – Ex clinique Rambot & Provençale), on peut comprendre pourquoi tout a été prévu pour le projet de la Villa Bourguet…
(*) Qui a payé les frais de Justice des opposants à ce projet d’hôpital ??? …
Michel VIDAL
En abattant les arbres, on a délogé les oiseaux qui y nichaient dessus et qui sont maintenant tous regroupés sur un ou deux pins rue de la Fourane. Je serais pour replanter des arbres sur le terrain rétrocédé à la mairie.
Bonsoir,
Oui certainement, mais quels oiseaux ?
Michel VIDAL
Tendez l’oreille le matin vers 7h, et repérez-vous aux fientes sur le sol. Après, les voitures ou les grands bus passent et tout ce petit monde s’enfuit.
Les mésanges charbonnières et mésanges bleues, mésange huppée, mésanges à longue queue ( de passage par groupes) chardonnerets fauvettes mélanocéphales, fauvettes à tête noire, que je nourris et abreuve depuis le début de l’été catastrophique que nous vivons cette année où sont passés les moineaux?